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Le Liban, un État bananier ?

Le système confessionnel libanais n’est pas fini. Les chefs religieux font la loi et les clivages politiques sont loin d’être conformes à l’idée que l’on se fait d’une démocratie moderne.

Correspondance particulière pour L'Humanité par Marie Nassif-Debs

Beyrouth, le 18 Mai 2005.

Beaucoup de Libanais se demandent si nous ne sommes pas au bord d’une nouvelle guerre civile ou si le conflit verbal qui oppose, ces jours derniers, les représentants de la classe politique (confessionnelle) libanaise n’est qu’une mascarade qui se terminerait par quelques sièges de plus au nouveau Parlement que le peuple se prépare à voir tomber du ciel grâce aux forces de tutelles, anciennes et nouvelles, qui gère aujourd’hui nos destinées.

Le Liban : un « État bananier » ? Et pourquoi pas ? Ne voit-on pas, depuis la création de la première République, au milieu des années vingt, des députés et des présidents « élus » ou des ministres choisis seulement parce qu’ils sont maronites, sunnites, chiites, Grecs orthodoxes et autres (nous avons, grâce à Dieu, dix-huit confessions religieuses qui se partagent nos droits de citoyens !)... Ne voit-on pas, depuis la création de la IIe République, suite à l’accord de Taëf (1989), des lois électorales bizarres qui nous divisent et nous unifient au gré de tel ou tel chef confessionnel ? Ne sommes-nous pas le seul pays où les chefs religieux font la loi et où tous les politiciens font la cour à ces chefs pour gagner leur appui ? Ne sommes-nous pas aussi le seul pays où le chef d’un Parti socialiste représente une confession religieuse tandis que son parti est formé presque entièrement de militants appartenant à cette confession ? Ne sommes-nous pas, pour clore cette série de questions qui peut rester indéfiniment ouverte et incomplète, le seul pays prétendument « démocratique » où l’on use et abuse de l’argent pour acheter les consciences au vu et au su de la grande démocratie mondiale gouvernée par George « debeliew » Bush et son équipe selon le code émis par le « patriot act » ?

Aujourd’hui, nous continuons à subir le syndrome de trente ans de guerre civile, de partage, de tutelle syrienne prônée par les puissants États-Unis d’Amérique. Nous venons à peine de finir avec la présence militaire, économique et politique syrienne dans notre pays que nous nous retrouvons déjà en train de nous entre-déchirer, sous l’oeil vigilant de nos nouveaux tuteurs américains, saoudiens et français, pour un siège au Parlement, nous demandant qui a le droit de décider (à la place des citoyens, bien entendu) pour remplir les urnes et choisir le député représentant telle confession religieuse dans telle ou telle circonscription. Et ceux des députés sortants qui s’étaient dit prêts à lutter pour la proportionnelle ou pour l’application de l’accord de Taëf concernant la suppression du confessionnalisme politique ont disparu pendant quelque temps pour réapparaître à nouveau, soit à Bkerké (siège du patriarche maronite), soit à Koraïtem (résidence de la famille de feu le président de conseil Rafic Hariri).

Dans les deux lieux de prédilection des représentants de la classe politique libanaise, les discours et les harangues vont bon train. Dans le premier, on s’indigne parce que les amis et alliés d’hier (tel Walid Joumblatt) n’ont pas tenu parole et qu’ils ont trompé leurs amis maronites de Kornet Chahouane (coalition chrétienne présidée par un évêque maronite) en s’associant « aux adversaires » chiites, c’est-à-dire le Hezbollah et le mouvement Amal. On va, même, jusqu’à demander que chaque confession religieuse élise ses députés au Parlement !

Dans le second, au contraire, on se félicite de ce que les futures élections dans la capitale sont presque déjà terminées avant d’avoir commencé, puisqu’il ne reste plus que quelques petites modifications ou, plutôt, quelques points de litiges et puisque nous avons déjà deux députés de Beyrouth « élus à l’unanimité », vu que personne n’a osé se présenter face à eux ; et on nous annonce qu’il y a (heureusement pour nous !) des pourparlers pour parvenir au désistement de ceux qui sont toujours en lice à Beyrouth, parce qu’ils portent en même temps ombrage à l’Arabie saoudite, qui avait signifié aux sunnites de s’abstenir de faire de la peine au fils de Hariri, et, par suite, au slogan écrit en rouge sang sur les affiches de la liste Hariri : « Avec toi. »

Dans le sud du pays, les deux bulldozers chiites, Amal et Hezbollah, se sont déjà partagé le gâteau ; et certains disent que des pourparlers avec le patriarche maronite visent à lui laisser « la possibilité de choisir un des trois représentants maronites », tandis que les deux autres sont déjà nommés par les deux forces chiites précitées.

Dans le Mont-Liban, une alliance est en train de se former, regroupant le Parti socialiste de Walid Joumblatt, le Mouvement du futur, de Hariri, la Jamaa islamiyya (parti intégriste sunnite), les Forces libanaises (parti intégriste chrétien précédemment proche d’Israël), Amal et le Hezbollah. Cette même alliance, à laquelle il faudra ajouter le député sortant Sami Khatib, proche des Syriens, pourra se partager les six sièges de la Beqaa Ouest.

Quant à ce qui reste, entre la Beqaa et le nord, on pourra voir ce qui va se passer sur le plan des alliances dans un très proche avenir.

Pauvre Liban ! Pauvres Libanais, les jeunes surtout, qui avaient cru ceux qui se sont unis contre nature, de la droite fasciste à la gauche soi-disant démocratique, et qui, le 14 avril, claironnaient des slogans d’unité nationale en brandissant le Coran et la croix !

Marie Nassif-Debs


Article paru dans l'édition du 18 mai 2005, de L'Humanité.
 




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